Jeudi 2 mai
185 km pour 859 mètres de dénivelé.
Dans une épaisse grisaille le peloton quitte Monthléry. En s’échappant d’une banlieue morose, les cyclistes entament désormais un parcours qui serpente d’une vallée à l’autre. En suivant fidèlement le cours de la Juine nous ne pouvons éviter Méréville qui nous accueille pour une halte régénératrice. Désormais c’est l’immensité de la morne plaine Gâtinaise qui nous offre de longues lignes droites. Les éoliennes ont envahi l’espace, leur mouvement cadence notre allure avant de pénétrer dans la forêt d’Orléans. Fay-aux-Loges nous reçoit pour une restauration traditionnelle.
Après les bruines matinales, les averses prennent le relais dans une Sologne qui semble pleurer.
De ci de là, les étangs et les fossés regorgent de leur trop plein. Après une halte à la Ferté-Saint-Aubin 55 km nous séparent du terme de notre étape. Petite ville provinciale, Romorantin nous accueille sans aucune goutte. Quelques bâtiments témoignent d’un passé industriel dont les filatures étaient le fleuron. Je ne peux m’empêcher de poser la question : transformait-on les matières textiles en fil ou bien enseignait-on à devenir détective privé ?
Vendredi 3 mai
200 km pour 1449 mètres de dénivelé.
Malgré le soleil, une relative fraicheur s’est invitée au départ d’une étape en direction de l’ouest. Ce matin, selon le souhait de l’organisateur Bruno et moi-même assurons le capitanat. La Sologne est bien plus belle qu’hier, le relief toujours aussi plat permet de régénérer nos muscles endoloris par la première étape. En s’approchant petit à petit de la Loire, les bois disparaissent pour laisser la place aux vignobles secoués comme il se doit par la brise. Après ce long tronçon de 70 km, Amboise apparait ainsi que les nuages. Son château arbore fièrement son épaisse silhouette. La pause est bienvenue. Repartir, c’est délaisser la Loire par une longue côte qui nous offre sur son sommet un intense et court rafraichissement, il pleut des cordes. Une route, large et bosselée à l’infini, scinde le peloton. 35 kms nous séparent de Loches, alors que le vent redouble d’intensité. Enfin la cité d’Indre-et-Loire nous offre une descente salutaire mais surtout un excellent repas. Descendre pour manger, monter pour digérer et quitter la bourgade. Au loin de gros nuages noirs s’éloignent vers l’Est que nous délaissons fort heureusement. A la mi-temps de cet après-midi, pas besoin de philosopher en rejoignant Descartes même si l’on doit séparer le corps et l’esprit. C’est la fin de la Touraine, le début de la Nouvelle Aquitaine mais aussi d’un bon dénivelé positif. Comme habituellement Beaumont-Saint-Cyr nous reçoit tardivement. Les corps semblent éprouver.
Samedi 4 mai
179 km pour 1654 mètres de dénivelé.
Je pense à Nougaro : « la pluie fait des claquettes » sur le trottoir de Beaumont. Démarrer sous la pluie c’est démoralisant, seul le but de ce périple me permet de relativiser en le faisant pour une bonne cause. Ça dégouline de partout, plus personne ne veut de cette eau et pourtant il faut avancer. Une fois encore, je n’ai même pas le loisir et l’envie d’admirer la cité médiévale de Chauvigny, traversée en pleine nuit d’un Bordeaux-Paris en 1992. Il faudra bien qu’un jour je m’y arrête. A la mi-journée la pluie cesse quelque peu avant de rejoindre la petite auberge perdue au bord de la Blourde. Certaines et certains font sécher leurs vêtements entre l’entrée et le dessert. Désormais la Haute-Vienne épuise nos mollets, ça monte sans monter tout en montant. Comme il se doit la pluie est revenue, fidèle et de plus en plus froide. La chaleur de la petite salle de Bellac embue copieusement nos lunettes qui cachent très certainement notre légitime tristesse et notre désarroi. Néanmoins, il faut repartir, inconsciemment je me porte à l’avant et devient ainsi capitaine de route. Cette option me permet d’économiser la gomme de mes freins qui s’usent autant que mon moral. Pendant 35 kms je tente de débrancher mon cerveau avec pour seul espoir de retrouver le jet d’une douche chaude offerte par le lycée de Saint-Junien. Bruno le bienveillant me conte ses nombreuses poussettes administrées aux plus faibles, la musculature de son bras droit en atteste.
Dimanche 5 mai
170 km pour 1821 mètres de dénivelé.
Nous quittons Saint-Junien sous un ciel gris, dès la première pente et malgré un massage profond à l’arnica, mes cuisses sont devenues des bouts de bois. Serrer les dents et attendre que ça passe en tentant d’harmoniser ses coups de pédale. Mon ami Raymond nous rejoint au ravitaillement de Châlus où j’ingurgite bon nombre de morceaux de banane. Raymond me vante sa belle région dordognaise tout en m’indiquant ses coins à champignons, assuré et rassuré de ne jamais m’y rencontrer. 90 km ont été effectués lorsque nous nous posons dans l’auberge de Vaunac, la patronne a mis ses doigts dans une prise, sa coiffure en atteste. Le relief s’est quelque peu apaisé mais à l’approche de Périgueux le tonnerre gronde avant que l’orage ne déverse de grosses gouttes en traversant le chef-lieu. Sur les hauteurs, un copieux ravitaillement nous est servi sous un préau alors qu’au loin j’aperçois un ciel bleu, promesse d’une belle fin d’étape. Pour ce dernier tronçon, je reprends, avec appréhension, le capitanat. Mes jambes répondent merveilleusement bien à tel point que je savoure les longues côtes qui nous rapprochent de l’arrivée. Finalement la condition est bien présente, il fallait juste être patient. C’était prévu, la promesse est tenue puisque dans les derniers kilomètres nos 12 féminines ont l’honneur d’ouvrir notre route qui s’achève dans le petit village de
Villamblard.
Lundi 6 mai
Retour en bus
Etrangement le temps passe très vite, à tel point qu’aujourd’hui 3/4 de siècle me sont alloués et fêtés comme il se doit. Mes compagnes et compagnons d’aventure sont près de moi et savourent la fin d’un périple, évidemment difficile mais accompli avec énormément de solidarité et de convivialité. Des liens forts tissés entre tous les participants à cette aventure dont l’esprit d’unité et de fraternité ont pour seul objectif de faire progresser la recherche.
Jean-Louis Savarin
Photos de la Monthlérienne (cliqué sur le lien suivant)
Que d'eau, mais que d'eau !...
(Et redémarrer sous la pluie : même pas en rêve)
Bravo et respect !